Dossier : La gestion du risque de contrepartie en agence entreprises

La période de crise économique et financière ne semble pas terminée, de nombreux analystes s’accordent sur une reprise lente et trébuchante de l’activité. « L’économie européenne émerge lentement de la pire récession qu’elle ait connue depuis des décennies. La crise économique a considérablement réduit l’activité économique dans l’UE, avec des millions d’emplois perdus et un coût humain très lourd » (Source : Analyse annuelle de la croissance 2011 par la commission Européenne)
De plus de nombreux pays dont l’État Français mettent en place des mesures d’austérités avec un plan de réduction des déficits de 12 milliards d’euros, annonce faite par le Premier Ministre M. François Fillon (24 août 2011)
Dans un tel contexte, les banques doivent s’adapter et anticiper le défaut de ses clients. Les établissements ont provisionné des milliards d’euros en 2009/10 pour compenser des pertes éventuelles. Les bilans de 2011 sont moins pessimistes que les années précédentes avec des reprises sur provisions qui dopent les résultats. Du côté des entreprises, des signes de reprise de l’activité apparaissent mais certains secteurs tardent à se redresser comme la construction et la réparation naval, les travaux publics, la sidérurgie et l’automobile (Source : étude France-Secteurs Crédit Agricole – LCL) malgré les intervention de l’État (prime à la casse pour l’automobile, taxe à 5,5% dans la restauration…).

Pour mieux appréhender la position des banques vis-à-vis du risque et limiter les pertes liées aux défauts des clients, il est important de comprendre comment s’applique la gestion des risques d’un point de vue opérationnel.
En tant qu’analyste commercial, j’assiste les chargés d’affaires dans leur activité quotidienne, notamment en réalisant des analyses économiques et financières des clients.
L’Agence Entreprises est destinée aux sociétés d’envergures nationales ou internationales, les groupes sont parfois constitués de plusieurs entités et des montages juridiques complexes les lient entre elles. Ainsi les analyses doivent tenir compte de ces aspects.

Le contexte réglementaire est de plus en plus contraignant pour les établissements financiers. Les banques sont soumises à des normes prudentielles qui brident leur développement. Cependant l’enjeu est de sécuriser le monde financier, en proie aux aléas boursiers et aux nombreux risques. La réglementation est d’autant plus légitime que l’économie mondiale tourne au ralenti. Les contreparties des banques n’ont jamais été aussi fragiles, et le développement de la finance moderne inclut irrémédiablement le risque systémique. Nonobstant les avertissements des agences de notation, les Etats revendiquent des perspectives stables, il est donc difficile d’y voir clair.

Les banques sont le moteur de l’économie, elles participent au soutien de la croissance par l’octroi de financement mais cette action implique des prises de risques de leur part.

Bâle II encadre la profession par un dispositif de gestion des risques. Les trois piliers de cet accord dictent l’uniformisation des pratiques des établissements bancaires, notamment en termes de fonds propres minimums, de surveillance et de méthode de gestion des risques. Cette politique prudentielle est très contraignante pour les banques car elle nécessite des réorganisations importantes et une adaptation de la politique de risque des établissements à tous les niveaux, notamment en agence entreprises.

Un des éléments les plus importants du cadre réglementaire de Bâle II est l’attribution d’une note à chaque contrepartie. Cette notation est calculée à partir des observations du chargé d’affaires, ainsi on comprend mieux que Bâle II influence l’organisation des banques jusqu’à son socle.

La qualité de l’information est primordiale dans cette situation, le chargé d’affaires doit connaitre parfaitement ses clients et prospects avant de prendre des décisions.

Des outils d’informations performants permettent d’obtenir des détails sur la santé financière des entreprises (Banque de France, outils d’analyses, Greffes du Tribunale de Commerce, Veille sectorielle…), encore faut-il les traduire pour déceler les risques et les facteurs de rentabilité.

L’analyse économique des données est essentielle pour comprendre le fonctionnement de l’entreprise sur son marché et l’analyse financière permet d’évaluer la performance de l’entreprise. D’un point de vue économique, l’étude sectorielle permet de connaître le positionnement de l’entreprise sur son marché et d’anticiper les évolutions (menaces et opportunités). On peut également faire ressortir les forces et les faiblesses de l’entreprise pour estimer sa crédibilité. D’un point de vue financier, l’étude des documents comptables doit dégager les facteurs de rentabilité et expliquer l’équilibre financier (liquidité, structure). Il faut développer son esprit critique pour rentrer dans les détails, notamment en calculant des ratios ou en faisant ressortir des tendances.

À ce stade il est également important de communiquer avec le Dirigeant ou le Directeur Administratif et Financier pour avoir des explications qui n’apparaissent pas dans les documents comptables. Ainsi des liens seront effectués entre les facteurs économiques et les données financières.

Il est alors possible de diagnostiquer les problèmes de l’entreprise et prendre les décisions adéquates. Le chargé d’affaires à intérêt de soutenir son client pour ne pas augmenter le risque de contrepartie. Il ne faut pas oublier que l’établissement bancaire devra allouer des fonds propres supplémentaires si la qualité du client diminue (exemple : dégradation note Bâle II).

Parmi tous les problèmes que peut rencontrer l’entreprise, la gestion du poste client en est un récurent. D’une part l’octroi de délais de paiements longs (compétitifs) alourdit le Besoin en Fonds de Roulement et perturbe l’équilibre financier (trésorerie négative), d’autre part l’insolvabilité des clients ampute le chiffre d’affaires.

La banque dispose de plusieurs solutions de mobilisation du poste clients adaptées aux besoins de l’entreprise, notamment l’affacturage, l’escompte et la Loi Dally. Ces outils de gestions permettent de maitriser la hausse de l’actif circulant ou de diminuer le risque client, cependant ne sont pas toujours suffisants pour régler un problème plus global. On pourra alors s’orienter vers un financement court, moyen ou long terme, dans les cas les plus extrêmes il faut envisager un plan de redressement ou un désengagement de la banque.

La réglementation prudentielle vise à solidifier et rassurer les marchés financiers, mais d’un point de vue économique les banques ne peuvent plus exercer leur métier de base, l’emprunt (collecte) et le prêt, aussi facilement qu’avant. Au niveau opérationnel, ces « contraintes » prudentielles se traduisent par une gestion des risques renforcée et finalement c’est le chargé d’affaires qui se retrouve parmi les acteurs principaux.

Le chargé d’affaires est l’interlocuteur le plus proche de l’entreprise pour gérer le risque de crédit et entretenir la santé des contreparties au quotidien. Au delà de l’aspect commercial du métier, les compétences d’analyses sont primordiales pour exercer sa profession.

L’exhaustivité des sources d’informations, leur qualité et la communication avec le dirigeant sont également des facteurs importants pour gérer le risque de crédit en agence entreprise.

On voit qu’il est important d’analyser régulièrement les risques car cela permet d’anticiper les problèmes. Des solutions rapides peuvent alors êtres apportées avant que la santé de l’entreprise ne se dégrade.

Bâle III remplacera bientôt la réglementation actuelle et augmentera les besoins en terme de gestion du risque de crédit (et opérationnel). L’expertise de proximité en analyse économique et financière sera de plus en plus nécessaire pour respecter les normes prudentielles. Les chargés d’affaires sont formés pour répondre ces nouvelles exigences et les jeunes diplômés seront sélectionnés pour leurs compétences d’analyste.